Mes Amis by Emmanuel Bove

Mes Amis by Emmanuel Bove

Auteur:Emmanuel Bove [Bove, Emmanuel]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Romans/Société
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2016-09-27T16:37:47+00:00


Nous marchions depuis cinq minutes lorsqu’une idée d’homme bien nourri me vint à l’esprit. Je me retournai. Neveu était derrière moi.

— Hé… allons chez Flora !

— Flora ?

— C’est un endroit où l’on s’amuse.

Le marinier, qui était ivre, marchait de biais, une épaule plus basse que l’autre. Il suivait le bord du trottoir comme un équilibriste. Le coude sur le ventre, la main tremblant à la hauteur du menton, il avait l’air d’un dégénéré. Sa tête ballottait comme un ballon que retient une courte corde. Un bout de sa ceinture de flanelle pendait jusqu’à ses genoux.

— Tu vois, Neveu, on est mieux ici qu’entre deux eaux.

Je n’avais jamais été si heureux. Mon ami me suivait. C’était donc moi qui le conduisais. Je pensais que si j’eusse tourné à gauche ou à droite, cela n’aurait pas eu d’importance puisque le marinier m’eût suivi.

Malgré la cohue, le chemin était toujours libre devant nous. Quand il fallait traverser une rue, un agent, comme par hasard, interrompait la circulation. Quand un encombrement obstruait le trottoir, un passage se faisait au moment où nous arrivions.

Nous prîmes une rue déserte. La lueur des réverbères bougeait sur les maisons, jusqu’au premier étage. Nos ombres, cassées aux genoux, tantôt nous précédaient, tantôt nous suivaient, sur les murs. En haut d’une maison, une fenêtre éclairée projetait son carré agrandi et affaibli sur la façade opposée.

De temps en temps, je m’appuyais à un mur : du plâtre s’introduisait sous mes ongles.

Ou bien je tâtais ma poche intérieure, car, malgré mon ivresse, je pensais à mon portefeuille. Je craignais que mon voisin ne profitât de mon état pour le voler.

Un gramophone retentit. Un numéro illuminait une porte.

Nous étions arrivés.

Je dois dire que seul je n’aurais jamais osé venir là. Quand on est deux, ce n’est pas la même chose. L’attention des gens ne se porte pas que sur vous.

Pourtant, l’émotion me donnait mal au ventre.

J’allais donc entrer dans une de ces maisons dont j’avais entendu parler depuis mon enfance. J’allais donc entrer en maître et non en suiveur de bande, comme au régiment.

Je sonnai.

Sans doute pour nous éviter le désagrément d’être vus stationnant là, la porte s’ouvrit aussitôt.

Nous entrâmes.

Grâce à un appareil spécial, la porte se ferma toute seule.

Je pensai tout de suite à mon chapeau. Je me découvris et, pour avoir l’air d’un habitué, j’allai droit devant moi.

— Pas par là, cria une grosse femme, celle qui avait ouvert.

Elle avait des bas blancs, un sac de cuir au bout d’une chaînette d’acier et un tablier de dentelle trop petit pour servir de tablier.

Je m’arrêtai. Cette observation avait gâté mon entrée. J’aurais tant voulu avoir l’air de connaître les lieux.

Elle nous introduisit dans une salle qui surprenait par sa grandeur comme toutes ces salles qui se trouvent dans la profondeur d’une maison.

Quelques clients, contents d’êtres rasés, regardaient le disque du gramophone tourner. Au fond, il y avait une scène abandonnée avec des décors mélangés.

— Ces demoiselles dînent. Elles descendront dans quelques minutes. Que prenez-vous, messieurs, en attendant ?

Je sais que les consommations sont très chères dans ces endroits.



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